• PAUVRE EN AMOUR (conte)

    Un petit conte écrit par votre serviteur.

        

    Il était une fois une femme qui, tous les soirs après son travail aux champs, se rendait à l'église de son village pour réciter le Rosaire.

    Elle était très fidèle à ce rendez-vous. Pour rien au monde elle ne l'aurait manqué. Cela faisait des années qu'elle priait ainsi. Même l'hiver, elle venait. Le froid ne lui faisait pas peur.

        

    On ne savait pas grand-chose d'elle car, depuis la mort de ses parents, elle parlait très peu et elle était souvent seule.

    Constatant la vie très humble qu'elle menait, et s'imaginant qu'elle devait souffrir de ne pas avoir beaucoup d'amis, les gens du village l'avaient surnommée Pauvre-en-amour.

         

    Les fidèles de la paroisse, qui la voyaient chaque jour à genoux devant le tabernacle avec son chapelet dans les mains, seraient bien allés prier avec elle pour lui tenir compagnie... mais ils trouvaient que le Rosaire était une prière bien trop longue et bien trop ennuyeuse.

    Alors, ils la laissaient seule. Ils préféraient se consacrer à d'autres activités, des activités plus "réjouissantes" selon leurs dires : la création de groupes de louange, de chorales, l'organisation de temps forts et de pèlerinages... Tout cela leur paraissait beaucoup plus utile et beaucoup plus urgent.

        

    Un jour, en raison de son grand âge, Pauvre-en-amour mourut. La paroisse fut saisie par ce départ, et elle lui rendit un bel hommage.

        

    Au moment de sa mort, lorsqu'elle arriva au Ciel, Jésus l'accueillit avec une très grande joie et il lui dit qu'il était très heureux de lui ouvrir les portes de son Royaume.

    Pauvre-en amour répondit :

    -"Tu es bien bon, Seigneur, d'ouvrir les portes de ton Paradis à une pauvre femme comme moi qui n'a jamais rien fait de grand pour toi".

    Jésus fut surpris par ces paroles. Il lui demanda :

    -"Pourquoi dis-tu que tu n'as jamais rien fait de grand pour moi ?"

    -"Je ne suis qu'une pauvre femme, Seigneur. Toute ma vie, je n'ai fait que réciter le Rosaire, seule devant le tabernacle. D'autres chrétiens ont fait tellement plus ! Regarde ces groupes de louange qui ont transformé la paroisse, ces chorales qui ont enchanté les célébrations, ces temps forts et ces pèlerinages qui ont attiré tellement de monde... Moi, je n'ai jamais rien fait de tout cela".

    C'est alors que, rempli d'émotion, Jésus se pencha avec une grande tendresse vers celle qui venait de lui parler si humblement. Il lui dit :

    -"Mon enfant, toutes ces choses dont tu me parles, toutes ces œuvres magnifiques qui sont nées dans ta paroisse, c'est ton Rosaire quotidien qui les a obtenues. Si tu n'avais pas prié le Rosaire, elles n'auraient jamais existé".

       

    Et c'est ainsi, ami lecteur, que celle que l'on avait surnommée Pauvre-en-amour entra au Paradis. C'est ainsi que cette femme si simple et si modeste - que tout le monde plaignait d'être seule et de n'avoir aucun héritier - découvrit au Ciel qu'elle avait en réalité laissé aux hommes de la terre un trésor tout à fait considérable.

    Et elle avait maintenant toute l'éternité pour veiller, par ses prières, sur ce précieux héritage.