• MARTHE ROBIN SUR LE CHEMIN DE LA BEATIFICATION (très bon article du Figaro paru le 9 novembre 2014)

    Voici un article du journal "Le Figaro" qui est paru le 9 novembre 2014. Un très grand merci à la personne qui l'a envoyé via le formulaire "contact" de ce blog.
         
    MARTHE ROBIN SUR LE CHEMIN DE LA BEATIFICATION
    Par Jean-Marie Guénois (Le Figaro)
        
    Trente-trois ans après sa mort en 1981, une femme française, mystique qui a vécu paralysée et presque aveugle à Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme, est sur la voie de la sainteté. Elle s'appelle Marthe Robin.
    Cette fille d'agriculteur, morte à 78 ans et très tôt frappée par la maladie (une encéphalite), ne fut jamais religieuse, mais demeura simple laïque.
    À Rome, elle vient de franchir la première étape en vue d'une béatification. Beaucoup la considèrent dans toute l'Église catholique, comme l'une des "grandes figures spirituelles" de la fin du XXe siècle.

         
    Sans même un certificat d'études ou de quelconques connaissances en théologie, elle connut de telles visions mystiques qu'elle fut l'inspiratrice d'une vingtaine d'œuvres à l'origine d'un renouveau spirituel inattendu de l'Église de France au cours des années 1980.
    Parmi elles, les Foyers de Charité : 75 centres de retraites spirituelles, qu'elle fonda dans le monde entier avec l'abbé Georges Finet. Et d'autres œuvres aussi variées que le Nid, aidant les prostituées, ou la Communauté charismatique de l'Emmanuel, les Frères de Saint Jean, les Fraternités monastiques de Jérusalem et encore les Focolari.

        
    Cette mystique a aussi combattu une approche naïve de la foi et de l'Église. Elle a toujours insisté sur la qualité de la formation des chrétiens, marque de l'œuvre des Foyers de Charité qu'elle a fondés : "Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances".
       
    On accourait vers elle pour lui demander conseil.
    Plus de 100 000 personnes le firent au cours de sa vie.
    Du simple paysan de la vallée ou de la mère de famille jusqu'à l'homme politique, le chef d'entreprise ou l'intellectuel, comme Jean Guitton, qui lui consacra un livre. Jean Vanier, fondateur des communautés de l'Arche, qui accueillent des personnes handicapées, fut l'un de ses visiteurs : "De sa chambre plongée dans l'obscurité, témoigne-t-il, jaillissait une voix pétillante, une sorte de clarté. Sa voix avait la simplicité de l'enfant. Elle voulait se présenter comme quelqu'un de très simple, très ordinaire. Marthe faisait tomber tout préjugé qu'on pouvait avoir de quelqu'un de très mystique. Ce qu'elle voulait, c'était la rencontre simple, vivante, aimante. Elle était très sûrement très proche de toutes les souffrances du monde dans sa personne. En fin de compte, le plus important n'est pas tellement ce qu'elle disait, c'est ce qu'elle était en elle-même : une présence de Dieu, une présence de Jésus".

        
    Le vendredi 7 novembre 2014, mais la nouvelle fut seulement annoncée samedi, le pape François a donc autorisé la Congrégation pour la cause des saints à publier à Rome le décret reconnaissant "l'héroïcité des vertus" de Marthe Robin. Ce qui la rend "vénérable", dans le langage ecclésial. Cette étape donne surtout le feu vert à une béatification à venir, une fois qu'un "miracle" - obtenu par son intercession - sera reconnu par l'Église.
        
    Le Père Bernard Peyrous, postulateur de la cause, explique au Figaro qu'un dossier "a déjà été déposé à Rome". Le diocèse de Valence, qui porte cette cause, va maintenant demander l'examen de ce phénomène par le Vatican.
     
    Il s'agit d'une femme française dont l'identité ne peut être pour le moment révélée, mais qui aurait été totalement guérie d'une maladie de dégénérescence visuelle au cours des années 1990, affirme le père Bernard Peyrous.
    Deux commissions, médicales et théologiques, de la Congrégation pour la cause des saints, vont procéder à une contre-enquête pour vérifier si l'Église peut reconnaître ce rétablissement spectaculaire comme un "miracle" dû "à l'intercession" de Marthe Robin.

        
    Ce processus peut prendre plusieurs années, mais ouvre de facto la porte à la béatification. Il est rare en effet qu'une béatification échoue faute de miracle reconnu, même si cette contre-expertise médicale romaine effectuée par un groupe de médecins - indépendants et tous spécialistes de la maladie en question - est sans concession.
        
    Par cette première étape franchie samedi par la "vénérable" Marthe Robin, l'Église catholique voit "la perfection de l'amour humain et chrétien et son déploiement dans toute la vie", mais reconnaît surtout deux aspects de sa vie physique qui furent à la fois admirés mais aussi controversés, tant ils sortent de l'ordinaire. Le dossier diocésain du procès de béatification de 17 000 pages, sur lequel les instances romaines ont statué, illustre ces deux points mystérieux :
    Marthe Robin, paralysée, "ne pouvait s'alimenter". Elle ne vivait donc, affirme aujourd'hui l'Église, "que de la seule communion eucharistique". Elle "revivait", de plus, "chaque vendredi", "la passion du Christ" avec "l'apparition de stigmates", admet à présent l'Église. Ce qui est très rarement reconnu officiellement. Sinon pour des saints de la taille de François d'Assise, Catherine de Sienne ou Padre Pio.